Médecin & E-Réputation : comment communiquer sur Internet dans le respect de la déontologie ?
Si toute action publicitaire est historiquement proscrite pour les professionnels de santé, l’arrivée d’Internet et l’évolution de ses innombrables outils ont quelque peu rebattu les cartes. Ainsi, depuis 2020, législation et déontologie se sont assouplies pour offrir aux médecins un territoire de communication plus large, permettant, entre autres, de maîtriser leur E-Réputation. Alors, quelles actions de communication sont envisageables ? Lesquelles sont à bannir ? État des lieux des possibles en matière de publicité médicale.
Communication médicale, un territoire en mouvement…
Si le sujet reste polémique entre certains praticiens, il y a pourtant un avant et un après 2020 en matière de communication médicale. Régie par l’article 19 du Code de déontologie, cette question a considérablement évolué face aux nouveaux usages développés à l’ère du digital et fait l’objet d’un enjeu majeur.
Ainsi, avant 2020, l’article 19 mentionnait clairement « La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce. Sont interdits tous procédés directs ou indirects de publicité et notamment tout aménagement ou signalisation donnant aux locaux une apparence commerciale » En somme, un professionnel de santé n’était pas autorisé à promouvoir son activité dans le but de conquérir une nouvelle patientèle. Et ce, par quelque moyen que ce soit.
Depuis, le législateur – en accord avec les recommandations du Conseil National de l’Ordre des Médecins – a précisé cet article de référence en introduisant, le 22 décembre 2020, le décret n°2020-16621. Celui-ci mentionne que « le médecin est libre de communiquer au public, par tout moyen, y compris sur un site internet, des informations de nature à contribuer au libre choix du praticien par le patient, relatives notamment à ses compétences et pratiques professionnelles, à son parcours professionnel et aux conditions de son exercice. ».
Si ce décret a largement ouvert le champ des possibles, notamment sur les opportunités offertes par le phénomène de la digitalisation, un professionnel de santé qui souhaite communiquer ouvertement doit toujours se soumettre à quelques règles encadrant la pratique.
Alors, comment concilier communication et déontologie ?
Pour répondre à cette question, le décret de 2020 apporte son lot de précisions quant aux bonnes pratiques auxquelles les médecins doivent se référer.
Ainsi, il y est indiqué :
- Qu’un professionnel de santé doit se livrer à une communication « loyale et honnête »,
- Que toute communication, à des fins sanitaires ou éducatives, doit reposer sur des informations scientifiques étayées, traitées avec prudence et réserve,
- Qu’un médecin est autorisé à figurer dans les annuaires à usage public, quel qu’en soit le support,
- Que le professionnel de santé a obligation d’informer les patients quant aux horaires pratiqués, moyens de paiement acceptés ou obligations définies par la loi relative à l’accès aux soins.
En revanche, il lui est interdit de :
- faire appel aux témoignages de tiers,
- de se livrer à des comparaisons avec d’autres médecins ou confrères,
- d’inciter à un recours inutile à des actes de prévention ou de soins,
- de promouvoir tout organisme auquel il prête son concours,
- de publier des photos permettant d’identifier le patient exposé,
- de recourir à des moyens payants pour être référencés sur le Net.
Pour compléter cette lecture, le Conseil National de l’Ordre des Médecins a publié une charte2 (CNOM) passant en revue les différents outils digitaux que peuvent utiliser les praticiens pour communiquer avec les patients. L’on y apprend, à titre d’exemples, quelles informations doivent invariablement figurer sur le site, comment gérer un agenda des consultations en ligne ou comment présenter sa structure et ses équipes aux éventuels futurs patients.
Attention néanmoins, si les conseils exposés sont fort utiles pour construire votre communication en ligne, dans le respect de la loi et de la déontologie, ils ne traitent que des outils dont vous avez la maîtrise, les publications qui émanent de vous ou votre cabinet. Car, si les professionnels de santé ont gagné le droit de communiquer davantage, les patients aussi disposent d’une relative liberté d’expression. Quelques clics suffisent pour laisser un avis ou une réaction en ligne, qui viendra alimenter votre E-réputation, pour le meilleur comme pour le pire.
Concrètement, quels outils en ligne déployer pour préserver sa notoriété ?
Face à cette déferlante de communication, nombre de praticiens, notamment les plus jeunes, surfent sur la tendance pour gagner en visibilité sur Internet. Objectif : sortir du lot lorsqu’un patient cherche un médecin pour l’accompagner. Pour cela, plusieurs stratégies s’envisagent, selon le temps que vous souhaitez allouer au sujet, votre velléité à communiquer, votre maîtrise des outils digitaux.
Pour communiquer efficacement sur le web, tout en respectant la déontologie de la profession, vous pouvez, par exemple :
- créer un profil Google Business : qui vous permettra d’être visible sur le moteur de recherche, lorsqu’un patient effectue une requête assez générique, telle que « pédiatre Bordeaux »,
- vous inscrire sur des plateformes de réservation des consultations en ligne : là encore, vous devrez renseigner une fiche profil avec les informations pratiques relatives à votre exercice,
- publier votre propre site internet : et pourquoi pas un blog qui détaille vos spécialités, des retours d’expérience, des conseils sanitaires…
- partager votre quotidien sur les réseaux sociaux : nombre de jeunes praticiens s’essaient sur Facebook, Instagram, LinkedIn ou même TikTok…
- intervenir sur des forums spécialisés : en qualité de praticien identifié, pour répondre aux questions des internautes,
- développer la téléconsultation : par le biais de vos propres moyens ou avec le concours d’une plateforme spécialisée
Outre ces différents leviers de communication, pensez également à maîtriser votre E-réputation en menant :
- une veille active sur votre nom ou celui de votre cabinet
- en répondant systématiquement aux avis et commentaires, avec calme et bienveillance
- en demandant la suppression d’une injure ou des publications que vous estimez diffamantes ou injustifiées, directement auprès du site hébergeur
- en recourant à la justice lorsque les propos sont de nature à nuire à votre réputation, et par rebond, votre activité
Pour conclure, gardez en tête que, s’il est aujourd’hui essentiel et de haute importance de composer avec les outils digitaux pour répondre aux usages des patients, vous restez totalement libre de doser votre intervention. Une communication réussie est avant tout une communication qui vous ressemble. Votre sincérité et vos qualités de praticien restent vos principaux atouts pour assurer la satisfaction et la fidélisation de votre patientèle à la suite d’une consultation.
E-réputation : elle représente l’image d’une personne ou entité sur Internet, aussi appelée “web-réputation”, comprenant ainsi tous les éléments présents sur les réseaux sociaux, sites, blogs ou encore les plateformes de partage de médias publics.
Sources complémentaires
https://www.conseil-national.medecin.fr/medecin/devoirs-droits/preserver-reputation
https://www.healthcie.fr/publicite-des-medecins/
https://www.mercidocteur.co/la-publicite-chez-les-medecins-perspectives-et-e-reputation/
(1) Décret 2020-1664 du 22 décembre 2020, https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042731060
(2) Charte de conformité déontologique applicable aux sites web professionnels des médecins