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Les tendances six mois après le lancement du nouveau dispositif

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Les dispositifs d’accès dérogatoire au médicament (ATU, RTU) ont basculé depuis le 1er juillet 2021 sous le nouveau régime des autorisations d’accès précoce (AAP) et d’autorisation d’accès compassionnel (AAC) pour les demandes nominatives. Un tour d’horizon des décisions de la Haute Autorité de santé (HAS), sept mois après, permet de cerner les produits et pathologies concernés par les AAP.

Au 24 janvier 2022, 17 autorisations d’accès précoce (AAP) avaient été octroyées par la Commission de la Transparence de la HAS, versus 3 refus depuis la mise en place du dispositif.

Traitements du Covid

Au mois d’août 2021, les premières AAP (pré-AMM) ont concerné un traitement prophylactique du Covid-19 (bithérapie d’anticorps monoclonaux) pour des personnes immunodéprimées ou ne répondant pas à la vaccination et à très haut risque de formes sévères. Un autre traitement prophylactique du Covid-19 (également bithérapie d’anticorps monoclonaux) pour des personnes à risque non répondantes ou non éligibles à la vaccination, bénéficiera à son tour d’un accès précoce pré-AMM en décembre. Et enfin, en janvier 2022, un anticorps monoclonal était autorisé en post-AMM en traitement du Covid-19 pour les personnes à risque de formes sévères de la maladie.

Pathologies rares et invalidantes

On trouve également durant ce semestre des décisions favorables en post-AMM pour un anticoagulant direct dans le traitement des embolies, thromboses et sténoses (et la prévention de leur récidive) chez l’enfant et l’adolescent (décision de septembre), une thérapie génique en traitement d’une maladie rare du système nerveux central chez l’enfant et un antidiabétique dans l’indication “traitement de la maladie rénale chronique” chez l’adulte (en octobre). Une AAP de décembre concernait un inhibiteur du FGFR3 indiqué dans une maladie osseuse rare de l’enfant, également en post-AMM. Notons enfin, en janvier, l’AAP post-AMM d’un octapeptide cyclique de synthèse, premier médicament d’une nouvelle classe d’agonistes du récepteur des mélanocortines MC4R dans le traitement d’une obésité d’origine génétique très rare.

Cancérologie

Les autres autorisations jusque fin janvier ont été accordées à des traitements anticancéreux. En sénologie : une immunothérapie anticorps anti-PD1 en post-AMM, ainsi que l’association d’un anticorps monoclonal et d’un inhibiteur de topoïsomérase en pré-AMM. Dans des indications de cancer colorectal et de cancer de la plèvre, on trouve une association d’anticorps anti-PD1 et anti-CTLA-4. Le même anticorps monoclonal anti-PD1 a eu une AAP en janvier (seul cette fois) dans le cancer de l’œsophage. Toujours en post-AMM, des AAP ont concerné un antinéoplasique/immunomodulateur dans la leucémie aiguë myéloïde, ainsi qu’une thérapie génique pour des cas de rechutes de myélome multiple réfractaire.

Des refus en présence de traitements alternatifs

Un anticorps monoclonal d’immunothérapie pré-AMM s’est vu opposer un avis défavorable de la HAS pour une AAP dans l’indication d’une maladie du greffon après transplantation de cellules souches hématopoïétiques allogéniques. Décision justifiée par le fait qu’il existe des traitements appropriés au même stade de la pathologie. Un antiviral ciblant le SARS-CoV-2 a également été recalé pour une AAP pré-AMM, la HAS estimant qu’un autre traitement plus efficace était disponible en ville durant la cinquième vague de la pandémie. Enfin, un anticorps monoclonal humain s’est vu refuser une AAP (en post-AMM) pour le traitement de la dermatite atopique dans la mesure où il existe d’autres traitements appropriés et en l’absence d’étude clinique étayant son bénéfice chez des patients en échec des traitements disponibles.

Doctrine d’accès précoce et basculement des ATU

Outre ces nouvelles décisions d’accès précoce, quelque 62 spécialités bénéficiant antérieurement du statut d’ATU ou post-ATU de cohorte ont été basculées en AAP. Quant aux médicaments sous ATU nominatives (et quelques-uns en post-ATUn), ils ont été pour la plupart basculés dans le régime d’autorisation d’accès compassionnel (AAC).

Rappelons que l’AAP concerne des médicaments destinés à traiter une maladie grave, rare ou invalidante pour laquelle il n’existe pas de traitement approprié disponible, dont la mise en œuvre ne peut être différée et qui sont présumés innovants dans cette indication. Ces médicaments peuvent avoir une AMM dans l’indication concernée, mais pas encore d’autorisation de remboursement, ou bien ne pas avoir d’AMM, le laboratoire s’engageant à en demander une. Dans le premier cas, la HAS est seule décisionnaire. Dans le second, l’ANSM doit rendre un avis au vu d’essais thérapeutiques avant que la HAS se prononce. Les deux structures proposent aux industriels des rendez-vous (confidentiels) avant dépôt du dossier afin d’être guidés et de discuter de l’éligibilité de la demande.

L’accès précoce impliquera un recueil de données par les prescripteurs sous la responsabilité de l’industriel. Le patient peut également être sollicité pour partager ses données de qualité de vie. Ce qui fait comparer le nouveau dispositif par certains hospitaliers à une organisation d’essai clinique.

Doctrine d’accès compassionnel

Parallèlement aux AAP, les AAC visent “les médicaments non nécessairement innovants, qui ne sont initialement pas destinés à obtenir une AMM mais qui répondent de façon satisfaisante à un besoin thérapeutique non couvert” stipule le ministère. Ce qui recouvre des produits jusqu’ici sous ATU nominative ou sous recommandation temporaire d’utilisation (RTU).

L’AAC est sollicitée “pour un médicament non autorisé et non disponible en France par un prescripteur hospitalier pour un patient nommément désigné” en cas de rapport bénéfice/risque favorable présumé, toujours pour une maladie grave, rare ou invalidante. Autre cas de figure prévu pour l’accès compassionnel : l’encadrement par l’ANSM d’une pratique de prescription hors-AMM d’un médicament disponible en France, disposant d’une AMM dans d’autres indications. L’objectif est de sécuriser cette pratique. On parle alors désormais d’un cadre de prescription compassionnelle (CPC). Enfin, un prescripteur peut demander une AAC pour des médicaments en recherche clinique à un stade très précoce.