Partager

Quelle influence de la “loi ASAP” sur le modèle de pharmacie clinique ?

time to read 3 min de lecture

La loi d’accélération et de simplification de l’action publique (loi ASAP) du 7 décembre 2020, dont l’article 93 prévoit le renouvellement et l’adaptation des prescriptions par le pharmacien hospitalier, influencera l’évolution du modèle de pharmacie clinique, avec un arrêté daté du 21 février 2023 “allégé”, en accord avec l’Ordre des pharmaciens et la Société française de pharmacie clinique (SFPC).

Les membres de la SFPC interrogés dans nos colonnes le rappellent régulièrement : le développement du modèle de pharmacie clinique est le fruit d’un processus de plus de 20 ans. Mais il est des textes qui constituent des tournants pour cette activité, comme le décret PUI, l’entrée dans le droit commun du télésoin, la vaccination pharmaceutique ou encore les mesures décidées durant la crise Covid. Et la loi ASAP constituera assurément un tel tournant.

La loi a ajouté à l’article L5126-1 du code de la santé publique (CSP) que “pour des pathologies dont la liste est fixée par arrêté, [les PUI ont pour mission] de renouveler les prescriptions des patients pris en charge par l’établissement et de les adapter, dans le respect d’un protocole mentionné à l’article L4011-4”. Il s’agit de protocoles locaux de coopération interprofessionnelle spécifiques à un établissement ou un GHT et négociés au sein des établissements après avis conforme de la commission médicale d’établissement (ou de la CM de groupement). Certains parlent de prescription pharmaceutique, comme c’est le cas au Royaume-Uni où le “pharmacien prescripteur” correspond à un diplôme ; d’autres préfèrent parler de “bilan” pharmaceutique pour “déminer” le terme prescription vis-à-vis du corps médical.

Un arrêté allégé pour une marge de manœuvre étendue

La SFPC a été en lien toute l’année dernière avec la DGOS* sur la rédaction de l’arrêté d’application que la société savante souhaitait “allégé”. Effectivement, l’arrêté du 21 février 2023 ne comprend pas de liste stricte de pathologies. Objectif : permettre au pharmacien de renouveler et adapter les prescriptions de toutes les pathologies prises en charge dans l’établissement, avec à la clé des recommandations sur la notion d’”adaptation”. Il est aussi proposé un modèle type de protocole local. Certaines interventions pharmaceutiques pourraient se faire sans avis du prescripteur en s’appuyant sur des recommandations et habitudes locales, et d’autres nécessiter une concertation ou une confirmation médicale ou pluriprofessionnelle (le cas échéant via le logiciel métier).

Des “protocoles de coopération” avaient déjà été discutés auparavant dans certains établissements. Voire aboutis, comme celui négocié à l’AP-HP début 2022, qui prévoit d’autoriser pharmaciens cliniciens et infirmiers à prescrire dans un certain cadre lors du suivi de patients sous anticancéreux oraux. A noter que le comité national des coopérations interprofessionnelles pourra proposer le cas échéant le déploiement d’un protocole local sur tout le territoire national (art. L4011-4 du CSP).

Un modèle d’intégration du pharmacien dans les équipes de soins

En tout cas, les adaptations de prescriptions par le pharmacien hospitalier se feront dans le cadre des bonnes pratiques de pharmacie clinique publiées en mars 2022. Celles-ci mentionnent explicitement ces renouvellements ou primoprescriptions, en les soumettant à six points clés de collecte de données impératifs :

Rappelons à cet égard que la loi ASAP a aussi instauré dans son article 92 l’obligation de consultation et d’alimentation systématique du dossier pharmaceutique lorsque les systèmes d’information le permettent.

Cet ensemble d’impératifs aura un impact organisationnel et RH pour la pharmacie et plus largement pour certains parcours de soins au sein des établissements. On peut faire ici un parallèle avec le déploiement progressif des infirmières en pratique avancée (IPA) qui peuvent prescrire certains médicaments et renouveler/adapter certains traitements. Des IPA très attendues dans certains services ! Côté pharmacie clinique, on se dirige ainsi théoriquement vers un modèle où les équipes pharmaceutiques (y compris des préparateurs) seront de plus en plus intégrées dans les équipes de soins et présentes dans les services.

* Direction générale de l’organisation des soins (ministère)


Sources :

Loi d’accélération et de simplification de l’action publique du 7 décembre 2020
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042619877

Arrêté du 21 février 2023 relatif au “renouvellement et à l’adaptation des prescriptions par les pharmaciens exerçant au sein des pharmacies à usage intérieur en application de l’article L. 5126-1 du code de la santé publique”
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047241696

Société française de pharmacie clinique (SFPC). “Recommandations de bonnes pratiques – bonnes pratiques de pharmacie clinique”. Le Pharmacien Clinicien. 2022 Jun; 57(2): 108-24
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2772953222000478