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La France, championne de l’innovation

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La réforme de l’accès précoce (AP) en France était attendue de longue date par les industriels. Prévue dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021, elle concrétise l’engagement du gouvernement français pris lors du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) de 2018. Gwendoline Boyaval, directeur de l’accès au marché de MSD France, nous explique ce que cette réforme apporte.

Quels sont les avantages de cette réforme ?

Dès 2015, MSD a partagé avec les autorités le fait que le système ATU n’était pas adapté aux médicaments ayant plusieurs indications. Ce dispositif était par ailleurs complexe, difficilement lisible pour les industriels, avec pas moins de six types de procédure différents. Cette réforme uniformise les différents mécanismes, simplifie le processus, puisqu’il n’y a plus que deux types de procédure, mais aussi nos interactions avec les autorités de tutelle. Elle devrait rendre également les décisions de celles-ci plus cohérentes et prévisibles puisque l’autorisation d’AP et l’avis de remboursement sont tous deux décidés par la même instance, la Haute Autorité de santé (HAS). Pour l’assurance-maladie, cette réforme garantit une soutenabilité financière et une prévisibilité de ses dépenses avec un barème de prise en charge.

Par ailleurs, cette réforme encadre et réduit les délais d’accès aux innovations pour les patients : le refus ou octroi de l’AP doit être décidé sous trois mois entre l’accusé de réception de la demande et la réponse faite au demandeur, même si ce délai peut être allongé d’un mois. Pour la première demande d’AP de MSD, dans le cancer du sein triple négatif métastatique, qui fut aussi le premier dossier d’AP ex nihilo, sans ATU préalable, le délai entre l’AMM et la décision de la HAS a été de 16 jours ! Un délai record, emblématique de la très bonne collaboration avec les autorités.

C’est aussi très emblématique, car, en oncologie, un accès plus rapide aux innovations constitue une chance de survie supplémentaire pour des patients en situation d’impasse thérapeutique : chaque jour compte. Il est d’ailleurs à noter que les associations agréées de patients sont consultées par les autorités de santé pour l’évaluation des demandes d’AP, de la même manière que MSD les implique tôt dans ses réflexions.

Pourquoi l’année 2022 est-elle charnière ?

2022 sera l’année de mise en œuvre pleine et entière de la réforme. Nous attendons encore un certain nombre de textes d’application et d’éléments de la réforme. Lors de la demande d’AP, l’industriel s’engage à collecter des données depuis la mise à disposition jusqu’au remboursement selon un protocole validé par la HAS. Cela implique la mise en place d’une plateforme de recueil. Il y a autant de plateformes que d’AP. Un projet est en cours pour, qu’à terme, il n’y ait qu’une seule porte d’entrée pour accéder à ces différents supports, un portail qui devrait être effectif en septembre prochain. Concernant ce recueil de données, toujours, la réforme prévoit une indemnisation des établissements via une convention passée avec l’industriel : là aussi des discussions sont en cours avec la DGOS qui devraient aboutir dans le courant de l’année.

Nous attendons également la publication de deux référentiels de la CNIL concernant le traitement de ces données, un pour l’AP, l’autre pour l’accès compassionnel. Enfin, l’objectif est que 80% des données soient collectées et puissent être versées dans le dossier de demande de remboursement. Quel sera leur poids dans la prise de décision de la HAS et comment va-t-elle les évaluer et les prendre en compte ? Connaître la doctrine de l’instance est important tant pour les industriels que les professionnels de santé.

Quelles sont les obligations qui vous incombent ?

L’industriel est à l’initiative du dépôt de dossier pour une demande d’AP. Celui-ci repose sur les cinq critères exigés et sur un protocole d’utilisation thérapeutique qui permet d’assurer le recueil des données en vie réelle financé par l’industriel (PUT-RD pour Protocole d’Utilisation Thérapeutique et de Récolte de Données). Ce protocole répond à plusieurs objectifs : apporter aux prescripteurs, pharmaciens et patients toute l’information pertinente sur le médicament et son utilisation ; recueillir des données relatives notamment aux conditions d’utilisation du médicament, aux caractéristiques des patients traités, à l’efficacité du médicament, aux effets indésirables et à la qualité de vie résultant de cette utilisation en vue de l’élaboration et de la transmission à la HAS et à l’ANSM d’un rapport périodique de synthèse, leur permettant un suivi global. La fréquence de celui-ci est décidée par les autorités.

Une fois l’AP octroyé, le laboratoire doit mettre le traitement à disposition dans les deux mois suivant l’autorisation, puis déposer une demande d’AMM dans l’indication dans un délai maximal de deux ans après le dépôt de sa demande d’AP. De plus, il s’engage à déposer une demande de remboursement dans l’indication considérée dans les 30 jours suivant l’obtention de l’AMM. Enfin, l’industriel doit assurer la continuité des traitements des patients initiés, même en cas de refus de remboursement ou de non-inscription sur la liste en sus. C’est alors à sa charge pendant un an minimum.

Cela nécessite beaucoup d’investissements pour l’industriel, mais avec l’objectif de mettre à disposition des patients ses innovations très précocement. La temporalité est très différente depuis la réforme, avec un calendrier de travail plus chargé et la nécessité de mener plusieurs préparations de dossiers en parallèle : il faut anticiper la constitution de chacun et le faire beaucoup plus tôt qu’auparavant. Les dossiers fournis doivent être de grande qualité pour obtenir une évaluation positive et rapide. MSD en a actuellement trois en cours d’examen par la HAS en immuno-oncologie.

Quels effets cette réforme a-t-elle eus sur votre travail auprès des professionnels de santé ?

Tout changement, toute réforme, implique nécessairement d’en informer les professionnels de santé : les équipes de terrain de MSD ont commencé à les sensibiliser et à les former sur l’AP dès le mois de juillet 2021, du fait de l’imminence de notre première autorisation attendue dans le cancer du cancer triple négatif métastatique. Nos équipes ont ainsi pu expliquer les changements apportés, mais aussi présenter notre première plateforme de recueil de données à plus de 200 pharmaciens de PUI dans 140 centres entre juillet et décembre 2021, ainsi qu’aux médecins hospitaliers. Les pharmaciens de PUI se montrent très impliqués et constituent in fine une source d’informations pour les médecins. Ils sont d’ailleurs 110 à être inscrits sur notre plateforme destinée au recueil de données dans le cadre de notre premier AP accordé en immuno-oncologie.

MSD informe directement les professionnels de santé de l’octroi d’un AP, en complément de la mise en ligne des décisions par la HAS, et a constitué une cellule de support destinée à les accompagner dans leurs démarches. Enfin, il a fallu adapter notre circuit logistique, car, dans le cadre d’un AP avant AMM dans l’indication, la commande se fait via la plateforme propre à l’AP, et le conditionnement du produit doit être différent et comporter une notice particulière validée par les autorités.

Enfin, l’accès à l’innovation ne se limite pas à l’octroi d’une décision de prise en charge. Nous ne la concevons que si cette innovation s’intègre bien dans le système de soins et le parcours des patients. C’est pour cela qu’une équipe de MSD dédiée proposent aux équipes et établissements de les aider à identifier les points de rupture du parcours de soins et à faire que l’expérience patient soit la meilleure possible.

Qu’attendez-vous maintenant de cette réforme ?

Au niveau de MSD, nous nous interrogeons sur la manière dont nous pourrions prolonger la collecte de données dans le cadre de l’AP au-delà de la durée légale. Nous prolongions notre suivi dans le cadre des ATU, ce qui a nous a permis d’avoir, par exemple, des données à long terme sur la prise en charge des patients atteints de mélanome métastatique avec des taux de survie à cinq ans nettement améliorés. Après l’AP, comment allons-nous continuer à suivre les patients ? Ces données ont-elles vocation à alimenter le Health Data Hub ou des études MSD ?

Par ailleurs, nous attendons une autre réforme prévue dans la LFSS pour 2022, celle de l’accès direct : lorsque les critères de l’AP ne sont pas réunis, notamment si une alternative thérapeutique existe, et que le médicament obtient une ASMR 1 à 4, alors il pourrait être mis à disposition dès l’avis de la Commission de la transparence de la HAS, avant même que le prix soit fixé. Si les textes d’application et le contenu de cette réforme ne sont pas encore définis, on peut espérer que cela contribue encore plus à réduire les délais d’accès aux traitements pour les patients.

Ces deux réformes sont des outils formidables pour accroître l’attractivité de la France et faire de l’Hexagone un champion de l’accès aux innovations. De nombreux essais cliniques y sont menés et beaucoup de patients vont continuer à y être recrutés. Ainsi, MSD France est la première filiale européenne du groupe en termes d’essais cliniques et la deuxième à l’échelle du monde derrière les Etats-Unis. Cela représente, à l’heure actuelle, plus de 140 essais cliniques en cours, avec plus de 880 établissements impliqués et près de 2.700 patients inclus. Nous avons également 20 études en vie réelle en cours et avons des partenariats avec 12 cohortes. Grâce au fonds MSD Avenir, nous donnons également la possibilité à des équipes de mener des projets pour lesquels elles n’ont jamais pu obtenir de financement. Doté de 117 millions d’euros pour trois ans, le fonds a soutenu plus de 60 projets et permis de déposer sept brevets.

Propos recueillis par François Silvan