Expression de PD-L1 par les macrophages et réponse aux immunothérapies
Cette étude évalue l’expression de PD-L1 par différents types de cellules immunitaires dans plusieurs cohortes de patients atteints de cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC). L’expression de PD-L1 prédomine à la surface des macrophages (dans le compartiment tumoral et stromal) et est plus importante que sur les cellules tumorales et les cellules T cytotoxiques. D’autres résultats ont montré que cette expression par les macrophages semble associée à une meilleure survie globale chez des patients traités par immunothérapie.
Introduction
Étude pour déterminer le type de cellules immunitaires, exprimant PD-L1, qui pourrait être associé à un effet bénéfique des immunothérapies.
L’immunothérapie, et en particulier les inhibiteurs des points de contrôle immunitaire comme les inhibiteurs de PD-1/L1, constitue un nouveau concept de traitement antitumoral, avec des résultats significatifs démontrés par rapport au traitement standard. Néanmoins, l’efficacité des inhibiteurs de PD-1/L1 est limitée à une fraction de patients et l’évaluation de l’expression de PD-L1 (mesurée par un test IHC) par les cellules tumorales et/ou immunitaires est requise dans plusieurs indications en raison de sa valeur prédictive. Des données récentes ont démontré l’intérêt prédictif de l’expression de PD-L1 à la surface des cellules immunitaires vis-à-vis de la réponse aux inhibiteurs de PD-1/L1. Le but de cette étude rétrospective est de déterminer le type de cellules immunitaires dont l’expression de PD-L1 pourrait être associée à un bénéfice des inhibiteurs de PD-1/L1.
Méthodes
À partir de trois cohortes de patients traités ou non par immunothérapie, évaluation de l’expression PD-L1 de plusieurs cellules immunitaires
L’étude est menée à partir de trois cohortes :
- Une cohorte initiale, rétrospective, comprenant des échantillons tissulaires de deux groupes de patients atteints d’un CBNPC et ayant reçu un traitement autre qu’une immunothérapie,
- Une cohorte C, composée de 81 patients atteints de CBNPC, traités par un inhibiteur de PD-1 en monothérapie entre 2011 et 2018,
- Une cohorte témoin, composée de 30 patients atteints de CBNPC présentant des niveaux variables d’expression de PD-L1.
Cohorte initiale
- 176 patients, évaluables, traités entre 1988 et 2003, composent le groupe A. 47,7% sont des hommes et 35,2% ont moins de 70 ans. Les cancers sont, dans une grande majorité, des cancers de stades I-II (67,7%) et des adénocarcinomes (60,2%).
- 249 patients, évaluables, traités entre 2004 et 2011, composent le groupe B. 43,4% sont des hommes et 58,2% ont moins de 70 ans. Les cancers sont, dans une grande majorité, des cancers de stades I-II (79,5%) et des adénocarcinomes (66,3%).
Cohorte C
- 53,1% des patients de cette cohorte sont des hommes et 51,9% ont moins de 70 ans.
- Les cancers sont tous des cancers de stades avancés (III : 2,5 % ; IV : 97,5 %) et, dans une grande majorité, des adénocarcinomes (75,3%).
- Plus d’un tiers des patients (34,6 %) ont été traités par radiothérapie, préalablement à l’immunothérapie.
- Des échantillons tissulaires ont été obtenus avant et pendant le traitement chez 62 patients sur les 81.
- Sur les 62 échantillons tumoraux obtenus avant lancement du traitement par immunothérapie, une cible moléculaire activable a été identifiée chez 45,7 % des patients (mutations EGFR dans 13,6 % des cas ; mutations KRAS dans 25,9 % des cas).
Cohorte témoin
- 30 patients atteints de CBNPC présentant des niveaux variables d’expression de PD-L1.
Au sein des trois cohortes, après un traitement spécifique des lames TMA (Tissue MicroArray), le niveau d’expression PD-L1 de plusieurs types de cellules immunitaires est évaluée par microscopie confocale haute résolution et via deux plateformes de microscopie à fluorescence associées à deux panels QIF multiplexés comprenant le récepteur CD56 pour les cellules NK, le récepteur CD68 pour les macrophages et le récepteur CD8 pour les cellules T cytotoxiques.
D’un point de vue statistique :
- La reproductibilité des analyses a été évaluée avec la cohorte de contrôle.
- Un score AQUA de 500AU a été utilisé pour déterminer les scores PD-L1 SP142 dans les groupes de patients positifs ou négatifs.
- La survie a été évaluée à l’aide des méthodes Kaplan-Meier et la significativité avec le test du log-rank.
- Une analyse unie et multivariée a également été effectuée.
Résultats et principaux points de discussion
Chez les patients traités par immunothérapie, expression PD-L1 plus élevée chez les macrophages CD68+ et potentiellement corrélée à une meilleure survie globale
Dans la cohorte initiale (n=425), les macrophages CD68+ CK- (CK : cytokératine) sont présents chez 391 des 425 prélèvements (92%), les cellules T cytotoxiques CD8+ CK chez 388 prélèvements (91,3%) et les cellules NK CD56+ CK dans 43,1% des cas (90/209).
Au total, 126 des 425 patients présentent un statut PD-L1 positif (29,6%) :
- La distribution de l’expression de PD-L1 dans le tissu tumoral (régions CK+) et dans le stroma (régions CK-) a été analysée et un troisième compartiment sans aucun tissu a été défini.
- Dans le compartiment tumoral et dans le stroma, les régions PD-L1 positives ont été définies grâce au comptage des cellules suivantes : cellules PD-L1+ CK+, cellules PD-L1+ CD68+, cellules PD-L1+ CD56+, cellules PD L1+ CD8+.
Chez ces patients ayant un statut PD-L1 positif :
- L’expression de PD-L1 est significativement plus élevée chez les macrophages que chez les cellules NK et les cellules T [Figure 1].
- Dans le compartiment tumoral, une co-expression de PD-L1 et de CK est observée dans 53% des cas, moins fréquemment chez les macrophages (41%) puis les cellules T cytotoxiques (4%) et les cellules NK (2%).
- Dans le stroma, la majorité des cellules PD-L1 positives sont des macrophages (80%), plus rarement des cellules T cytotoxiques (5%) ou des cellules NK (3%).
[Figure 1]
Distribution des cellules immunitaires exprimant PD-L1 dans les tumeurs et le stroma
Une corrélation entre le statut PD-L1 des macrophages CD68+ et des cellules tumorales et entre les cellules CD8 et CD68+ PD-L1 positives est observée, suggérant une association entre l’existence de macrophages exprimant fortement PD-L1 et les tumeurs dites “chaudes”.
Le rôle pronostique de l’expression de PD-L1 dans chaque compartiment est étudié dans la cohorte initiale :
- Dans les groupes poolés A et B, aucune association n’est observée entre l’expression de PD-L1 par les macrophages et les données cliniques ou pathologiques.
- 36,7% des patients présentent une expression de PD-L1 par les macrophages, associée à des taux élevés de PD-L1 dans la tumeur et à la surface des CD8 et CD68 (p<0,0001).
- L’expression de PD-L1 dans les cellules CD68+ n’est cependant pas corrélée à la survie pour cette cohorte ayant reçu des traitements conventionnels.
Ensuite, la valeur prédictive de l’expression de PD-L1 dans les macrophages est évaluée dans la cohorte traitée par immunothérapie.
- Bien qu’aucune valeur prédictive du phénotype doublement positif PD-L1+ CK+ n’ait pu être mise en évidence, une association significative est identifiée entre l’expression de PD-L1 par les cellules CD68+ et une meilleure survie (p=0,036).
- Une analyse multivariée confirme la valeur prédictive d’un statut PD-L1+ CD68+ vis-à-vis de la survie, et ce, indépendamment de l’âge, du sexe, du stade, du statut tabagique et du taux de CD8.
- Un autre test d’évaluation a été utilisé pour confirmer ces observations. Outre l’expression de PD-L1 par les cellules CD68+, le statut PD-L1 sur les cellules CD8 est également prédictif et associé à une meilleure survie chez les patients traités par immunothérapie.
Peu d’études ont évalué l’expression de PD-L1 par les différents types de cellules immunitaires dans les cancers. Celle-ci le fait sur trois types de cellules immunitaires : les macrophages, les cellules T et les cellules NK.
Elle présente cependant quelques limites :
- Seuls des TMA ont été utilisé, pouvant induire une sous-représentation de l’expression de PD-L1 en raison de l’hétérogénéité au niveau tumoral et micro-environnemental.
- Les traitements des cohortes sont hétérogènes et le nombre de patients traités par immunothérapie est relativement faible.
- L’évaluation de PD-L1 est réalisée à partir de tissus archivés avec un “vieillissement” possible des antigènes.
- L’évaluation des cellules CD68+ pourrait ne pas inclure toutes les cellules macrophagiques et le marquage CD56 pourrait quant à lui inclure aussi les cellules NKT.
- Si cette étude montre que l’expression de PD-L1 est localisée majoritairement sur les cellules CD68+, généralement classées comme macrophages, Garris et al ont aussi mis en évidence que les inhibiteurs de PD-1 nécessitent la présence de cellules dendritiques au sein de la tumeur pour être actifs. Les cellules dendritiques PD-L1+ n’ont pas été évaluées dans cette étude. Ces données suggèrent un rôle de l’expression de PD-L1 sur d’autres types de cellules immunitaires.
Conclusion
Expression de PD-L1 par les macrophages CD68+ : un bon marqueur prédictif de la réponse à l’immunothérapie ?
Dans cette étude, la co-localisation de PD-L1 sur 3 sous-types de cellules immunitaires provenant des tissus de 457 patients atteints de CBNPC a été étudiée et les résultats, confirmés avec deux méthodes de QIF et de la microscopie confocale, ont montré que l’expression de PD-L1 est en majorité localisée sur les macrophages CD68+, plus fréquente que sur les autres cellules immunitaires. Cette expression de PD-L1 par les macrophages est associée à une meilleure survie globale chez les patients traités par immunothérapie. Ces données suggèrent que l’expression de PD-L1 sur les macrophages pourrait être un bon critère prédictif, mais ces résultats préliminaires devront être confirmés par des études prospectives plus importantes.
(1) Lui Y, et al. Immune Cell PD-L1 Colocalizes with Macrophages and Is Associated with Outcome in PD-1 Pathway Blockade Therapy. Clin Cancer Res. 2020, 26(4): 970-977.