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Un système de santé peu lisible et une nécessaire simplification

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Simplifier le financement du système de santé pour garantir un égal accès aux soins et à l’innovation

MSD se positionne dans le débat public pour aider l’ensemble des acteurs à mieux comprendre les enjeux du financement du système de santé. La Webcast “Décryptage santé – Financement du système de santé et accès à l’innovation”, organisée par MSD le 1er juin, a permis de revenir sur la complexité du système de santé français et sur les dispositifs de financement présents à l’hôpital. Des pistes de réforme ont été proposées pour simplifier le système et garantir un accès équitable aux soins et à l’innovation à l’ensemble de la population.

Un système de santé peu lisible

« Un système de santé se définit comme la mise en relation d’offreurs de soins, de demandeurs de soins, d’un payeur (l’assurance maladie) et d’un régulateur (l’Etat) », explique tout d’abord Julia Bonastre, économiste de la santé à Gustave Roussy. En France, il s’est construit par strates successives, devenant au fil du temps complexe et peu lisible.

Concrètement, il repose sur les cotisations sociales, même si 40 % de ses recettes proviennent désormais de l’impôt. Il se veut aussi universel, pour garantir un accès aux soins équitable pour tous. L’assurance maladie est financée à hauteur de 78 % par la Sécurité sociale, 13 % par les organismes d’assurance complémentaire, le solde relevant du reste à charge des ménages. Depuis les années 70, elle enregistre un déficit, difficile à maîtriser du fait de dépenses en progression et d’une activité économique tendant à se contracter. L’Ondam (Objectif national de dépenses d’assurance maladie), voté chaque année par le Parlement, vise à contenir les dépenses qui s’élevaient à 200 milliards d’euros en 2019 (dont 20 % pour les médicaments), réparties entre la ville et l’hôpital. La crise sanitaire a fortement creusé le déficit et, pour revenir à l’équilibre, la CADES (Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale), créée en 1996, va poursuivre sa mission consistant à émettre des titres sur les marchés financiers pour financer la dette, et ce, jusqu’en 2033.

Une nécessaire simplification

L’Ondam est aujourd’hui très critiqué du fait de son manque de lisibilité et de son caractère peu structurant et motivant. Dans ce contexte, le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie (HCAAM) propose donc de lui donner un cadre pluriannuel (5 ans), pour permettre aux acteurs de se projeter dans l’avenir. L’institution souhaite par ailleurs une simplification des process et un accroissement de la transparence et de la prévisibilité.

Julia Bonastre insiste également sur l’importance d’une politique tarifaire incitative, pour répondre aux objectifs du payeur, tandis que Jean-Yves Blay, oncologue médical, Directeur général du centre Léon Bėrard à Lyon et Président d’Unicancer, pointe à la fois la nécessité d’améliorer la flexibilité et « l’impérieux besoin d’adaptabilité du système à l’arrivée des innovations, certaines technologies ou stratégies perdant de leur pertinence au fil des années », rendant une réorganisation indispensable pour améliorer l’efficience.

De multiples dispositifs de financement à l’hôpital

Quelque 3000 établissements de santé composent le secteur hospitalier, en France. Sur le champ MCO (médecine, chirurgie, obstétrique), qui représente des dépenses de 61 milliards d’euros, deux tiers de l’activité sont assurés par le service public, un tiers par le secteur privé lucratif.

En 2004, le mode de financement de l’hôpital a évolué : le budget global a cédé la place à la tarification à l’activité (T2A), qui entraîne une hausse des revenus en lien avec le volume d’activité produit et instaure une convergence tarifaire entre établissements, avec un tarif unique pour un séjour hospitalier donné : le GHS (groupe homogène de séjour). Ce système prévoit aussi le financement des missions non liées aux soins : les MIGAC (Missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation), qui comprennent les MERRI (Missions d’enseignement, recherche, référence, innovation) et les autres MIG, et qui représentent une enveloppe de 7 milliards d’euros. Celle-ci a permis de dédier des budgets aux activités de recherche ou encore d’enseignement des établissements.

A ces dispositifs, s’ajoutent la liste dite “en sus”, qui finance les médicaments et dispositifs médicaux innovants et onéreux en dehors des GHS, ainsi que les ATU (Autorisations temporaires d’utilisation) et RTU (Recommandations temporaires d’utilisation), qui concernent également les traitements les plus innovants.

Un manque de lisibilité, soulevant des questions

Le système est devenu très complexe, voire illisible, avec, aujourd’hui, quelque 5500 GHS, contre 600 en 2002. Nombre d’acteurs relèvent aussi les effets pervers de la T2A, notamment la course à l’activité sur des actes “rentables” au détriment d’autres jugés moins attractifs. La réduction de la part de la T2A dans le financement de l’hôpital est, dès lors, à l’ordre du jour : pour autant, ce pourcentage varie fortement selon la fonction de production des établissements (80 % en moyenne, mais seulement 50 % pour les établissements de type CHU ou CHR assurant des MIGAC) et, pour Julia Bonastre, « ce n’est pas nécessairement la part de la T2A qui pose problème, mais plutôt son application, la complexité du système et le manque de lisibilité pour les acteurs ».

Jean-Yves Blay, de son côté, approuve le principe d’une tarification à l’activité juste et équilibrée, « sous réserve que l’activité soit justifiée, de qualité et appliquée dans les meilleures conditions pour servir l’objectif global qui est un système de santé efficace et vertueux ». Les actes doivent en outre être rémunérés au juste prix, un objectif aujourd’hui difficile à atteindre, le “bouclage macroéconomique” instauré par l’Ondam entraînant la réduction des tarifs des GHS pour pallier la hausse de l’activité (recherchée par les établissements) et donc des revenus.

Intégrer la qualité et accroître la place des experts

Pour améliorer le financement du système, la qualité des soins est de plus en plus prise en compte, même si elle reste trop marginale. « C’est une question qui n’est pas facile, mais il y a une tendance importante à l’intégration de la qualité démontrée de manière tangible, par des critères mesurables », précise Jean-Yves Blay. Julia Bonastre pointe toutefois la difficulté à élaborer des indicateurs de mesure, utilisables en routine à partir des bases médico-administratives, pour éviter de mobiliser l’équipe hospitalière. Tous deux se disent aussi en faveur d’une politique de seuils d’activité, permettant de réserver des technologies complexes à certains centres, afin d’en garantir la qualité.

La tarification au parcours de soins est également sur les rails, avec la mise en place de tarifs à l’hôpital, en cancérologie notamment : « Face au cloisonnement entre la ville et l’hôpital, c’est le bon outil pour faire travailler les personnes ensemble. Mais, il faudra que les incitations financières soient suffisantes », note Julia Bonastre.
Jean-Yves Blay insiste aussi sur la nécessité de donner plus de place aux experts : « Ils doivent être placés au centre des processus de décision, car ils connaissent la science et voient les conséquences pratiques pour la prise en charge. » La science étant la même partout, il estime que les recommandations internationales de pratiques cliniques devraient être suivies dans les différents pays et prône la création de critères partagés, en amont de toute recherche, afin qu’une innovation reconnue (un médicament améliorant la survie globale par exemple) soit mise à disposition de tous et non d’une seule fraction de la population qui y aurait accès via les essais cliniques ou des choix d’établissement.

Enfin, il estime que les financements de la recherche et de la qualité des soins sont intimement liés et plaide pour éviter le saupoudrage dans les financements : « C’est l’excellence qui tire vers le haut et non le fait de moyenner l’ensemble du système. »

Valérie Moulle
Pharmaceutiques – PR Editions


Propositions d’exergues :

« Ce n’est pas nécessairement la part de la T2A qui pose problème, mais plutôt son application. » Julia Bonastre, économiste de la santé à Gustave Roussy

« C’est l’excellence qui tire vers le haut et non le fait de moyenner l’ensemble du système. » Jean-Yves Blay, oncologue médical, Directeur général du centre Léon Bėrard à Lyon et Président d’Unicancer FR-AAM-00150-Février 2022