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Pharmacie clinique : des modèles hétérogènes

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Nous nous faisons régulièrement l’écho dans ces colonnes de l’essor de la pharmacie clinique. Néanmoins, cette activité reste très hétérogène d’un établissement à l’autre, avec des choix organisationnels raisonnés en fonction des moyens disponibles. Et des réorientations actuelles de stratégies vu l’aggravation récente des déficits hospitaliers et la pénurie grandissante de diplômes.

La pharmacie clinique (PC) a considérablement progressé ces dernières années au point d’entrer dans les missions officielles des PUI. Mais force est de constater qu’il existe une très grande hétérogénéité de la pratique d’un centre hospitalier (CH) à l’autre, observent les pharmaciens cliniciens. Là où les moyens sont les plus réduits, la PC se résume à la validation d’ordonnances, le contrat d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins (CAQES) ayant en sus poussé à développer un peu de conciliation depuis 2016. A l’autre bout du spectre, des CH se sont lancés dans des activités de PC complexes en interface avec les services cliniques et la ville, avec des entretiens pharmaceutiques et un suivi renforcé, par exemple de patients allogreffés comme à Nice  ou sous thérapie ciblée comme à Tours en oncologie pulmonaire. On peut aussi citer les exemples d’HDJ de pharmacie face au risque d’iatro-pathologie chez le sujet âgé comme à Nîmes ou le projet Octopus à Grenoble (organisation territoriale de la prise en charge médicamenteuse au long du parcours de soins). Par ailleurs, au-delà de la simple conciliation, on voit de véritables plans pharmaceutiques personnalisés tels que définis par la Société française de pharmacie clinique (SFPC)…

Stratégies de resserrement de l’activité

Néanmoins, la PC devient parfois la variable d’ajustement face au manque de moyens et à la pénurie de diplômes, l’expertise pharmaceutique étant alors revue à la baisse avec deux tendances selon les CH : soit un resserrement sur les obligations réglementaires notamment dans de petits CH (validation de 100% des lignes prescrites, mais moins d’entretiens ou de conciliation…) ; soit une concentration des activités d’expertise sur les patients les plus à risque (chirurgie, allogreffe, cancérologie…). S’ajoutent à cela les effets de la réforme de l’internat, avec une oscillation de l’activité liée à la présence ou non d’un interne selon les semestres, et des arbitrages à la clé. A l’officine aussi, le manque d’adjoints pousse un certain nombre de pharmacies à laisser de côté les activités cliniques (entretiens sur l’asthme, les AVK ou anticancéreux oraux, bilans de médication…). Avec un impact potentiel sur le lien ville-hôpital.

Dégager des marges de manœuvre financières et temporelles

Cela étant, les initiatives se multiplient, PUI Infos en est témoin ! Beaucoup de pharmaciens se mobilisent pour la PC, en témoignent les événements de la SFPC qui attirent notamment beaucoup de jeunes. La loi ASAP*, en renforçant le rôle du pharmacien sur les prescriptions, constitue un étage supplémentaire décisif en faveur de la PC (voir notre autre article). Mais les PUI devront “être force de proposition” et “faire preuve d’imagination”, pour reprendre les expressions de confrères hospitaliers. Certains gérants de PUI ont identifié des leviers pour développer la PC, comme la consultation pluridisciplinaire… qui est rémunérée. Une codification adaptée sera aussi un atout (voir interview).

Pour gagner du temps pharmaceutique, il faudra par ailleurs soigneusement étudier les volets numériques : la robotisation (qui fait gagner du temps sur la distribution de produits de santé ou dans le cadre d’une dispensation individuelle nominative déjà en place) ; le digital comme aide à la conciliation ou pour automatiser l’envoi de fiches de suivi… ; ou encore l’intelligence artificielle pour identifier les patients les plus à risque.

De l’importance du lexique clinique

Enfin, dans ce contexte, il devient encore plus important d’être rigoureux sur le lexique utilisé. Rappelons que les bonnes pratiques publiées en mars 2022 par la SFPC décrivent l’ensemble des activités de PC telles qu’elles devraient être réalisées et rappellent le vocabulaire correspondant à chacune d’entre elles. Un sujet tout sauf anodin pour l’évaluation et le financement à venir de ces activités. L’Agence nationale de la performance sanitaire (ANAP) propose par exemple depuis 2021 une unité d’œuvre “UO Pharma” à destination des gérants de PUI. L’ANAP parle ainsi de “prescription validée”… mais les PUI ne mettent pas toutes la même activité derrière, rendant les comparaisons difficiles, constatent les pharmaciens cliniciens. A commencer par la notion d’”expertise pharmaceutique clinique”, que tout le monde ne s’est pas appropriée, observe-t-on.

* Loi d’accélération et de simplification de l’action publique du 7 décembre 2020, article 93


Sources :

Loi d’accélération et de simplification de l’action publique du 7 décembre 2020
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042619877

Société française de pharmacie clinique (SFPC). “Recommandations de bonnes pratiques – bonnes pratiques de pharmacie clinique”. Le Pharmacien Clinicien. 2022 Jun; 57(2): 108-24
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2772953222000478

Agence nationale de la performance sanitaire et médico-sociale (ANAP). UO Pharma : mieux valoriser l’ensemble des activités pharmaceutiques. Novembre 2022
https://www.anap.fr/s/article/pharma-bio-ste-publication-2795