Immersion clinique : quand faut-il réévaluer un statut HER2 ?
Dans ce second échange filmé au Centre Jean Perrin de Clermont-Ferrand, le Dr Marie-Ange Mouret-Reynier, cancérologue, consulte le Pr Frédérique Penault-Llorca, anatomopathologiste, au sujet d’une patiente atteinte d’un cancer du sein RH+, initialement classé HER2 0 il y a trois ans.
L’objectif ? Déterminer s’il est pertinent de réévaluer ce statut, à l’heure où l’expression faible de HER2 (HER2-low) peut conditionner l’éligibilité à des traitements ciblés, notamment les anticorps conjugués (ADC).
HER2-low : une nouvelle frontière thérapeutique
Ce qui a changé depuis trois ans
À l’époque de la première analyse de cette patiente, la distinction entre HER2 0, HER2 1+ ou HER2 2+ non amplifié n’était pas systématiquement prise en compte dans les décisions thérapeutiques. En l’absence d’alternative ciblée pour les formes faiblement exprimées, ces nuances étaient souvent jugées secondaires.
Les scores faibles étaient parfois regroupés sous la mention HER2 0, ou signalés sans qu’une attention particulière ne leur soit portée. Le marquage faible, lorsqu’il concernait un faible pourcentage de cellules, pouvait ne pas être pris en compte de manière homogène selon les centres ou les périodes.
Aujourd’hui, avec l’essor des thérapies ciblant les tumeurs HER2-low, cette classification devient cruciale.
Statut HER2 0 : des erreurs d’interprétation fréquentes
Pourquoi relire les anciens cas HER2 0 ?
Les pathologistes estiment que la relecture de lames anciennes peut mener à une reclassification dans 40 à 50 % des cas.
Les divergences d’interprétation peuvent venir de :
- la qualité du marquage (intensité faible mais réelle),
- un seuil de cellules marquées mal évalué (ex. : 15 à 20 %),
- un protocole de lecture devenu obsolète.
Relire le compte-rendu ne suffit pas
Même si un score “1+” est mentionné dans l’ancien compte-rendu, seule la relecture de la lame histologique par un pathologiste expérimenté peut confirmer ce statut selon les critères actuels.
Démarche recommandée : relecture, puis rebiopsie si besoin
Étape 1 : relecture des lames archivées
Pour les cas de plus de 2 ans, la relecture est l’étape minimale recommandée.
Elle permet :
- de vérifier l’intensité du marquage HER2,
- de quantifier précisément le pourcentage de cellules marquées,
- d’identifier les HER2 1+ ou 2+ non amplifiés, potentiellement éligibles aux ADC.
Étape 2 : rebiopsie en cas de doute ou d’évolution
Lorsque la relecture des lames ne permet pas de conclure avec certitude ou en présence d’une évolution clinique, une nouvelle biopsie peut être indiquée. Celle-ci doit cibler une lésion accessible, exempte de nécrose et présentant un rapport tissu tumoral/stroma suffisant pour permettre une analyse fiable.
Le statut HER2 n’est pas figé dans le temps : une tumeur initialement classée HER2 0 peut évoluer vers une expression faible (1+), modifiant ainsi les perspectives thérapeutiques. De plus, cette rebiopsie offre l’opportunité de réévaluer simultanément le statut RH, qui peut également varier au cours de la progression tumorale.
Impact clinique : un enjeu d’accès à l’innovation
HER2-low : un changement de paradigme
Le développement des anticorps conjugués ouvre de nouvelles perspectives pour les patientes classées HER2-low, c’est-à-dire :
- HER2 1+,
- HER2 2+ sans amplification à l’hybridation.
Pour être éligible, le diagnostic anatomopathologique doit être précis et actualisé.
Recommandations pratiques pour les cliniciens et pathologistes
Situation clinique | Action recommandée |
---|---|
HER2 0 > 2 ans | Relecture systématique des lames |
Discordance RH ou doute sur HER2 | Nouvelle biopsie ciblée |
Relecture = HER2-low | Vérification de l’éligibilité à un traitement par ADC |
Résultat inchangé | Surveillance clinique renforcée, biopsie si progression |
Une bonne coordination clinicien – pathologiste est essentielle pour garantir la représentativité du prélèvement et la fiabilité du résultat HER2.